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Entre rapports de pouvoir et émancipations : repenser la complexité du monde culturel associatif

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Argumentaire

Longtemps focalisée sur la figure de l’artiste, la sociologie de l’art abandonne, au début des années 1990, la « représentation naïve du créateur individuel » (Bourdieu, 1991) pour reconnaître la dimension collective de la production artistique, fruit « de la coopération de nombreux agents dans le cadre d’activités variées sans lesquelles des œuvres particulières ne pourraient voir le jour ou continuer d’exister » (Becker, 1988). Certains travaux se penchent sur les instances et les régimes de légitimation qui construisent la valeur de l’art et organisent le pilotage des filières économiques (Moulin, 1992 ; Urfalino & Vilkas, 1995 ; Leveratto, 2000 ; Henry, 2016). Soucieux de penser les inégalités de position dans le champ artistique (Bourdieu, 1991), d’autres travaux mettent en évidence comment l’idéologie du talent contribue à masquer les processus de sélectivité – sociale, raciale, sexuée, générationnelle, territoriale ou encore esthétique – qui imprègnent la division du travail et sous-tendent les parcours professionnels dans les mondes de l’art (Coulangeon, 1999 ; Papadopulos, 2004 ; Bayer & Offroy, 2006 ; Buscatto, 2008 ; Ravet, 2014 ; Chataigné, Gembarski et Offroy, 2022). 

Parallèlement, l’étude des associations bénéficie de l’émergence du concept d’économie solidaire, lequel invite à tenir compte des fondements politiques et axiologiques qui structurent ces organisations, leurs modèles économiques, les formes de leur gouvernance et les interactions qu’elles entretiennent avec la puissance publique (Laville & Sainsaulieu, 1997 ; Eynaud, 2015 ; Fraisse, 2017). Nombre de travaux mettent l’accent sur l’hypertrophie gestionnaire et la chalandisation du monde associatif (Chauvière, 2009 ; Tchernonog, 2019) et étudient ses effets sur l’éthique professionnelle (Chauvière, 2007 ; Boukhtouche-Bakou, 2020), sur les conditions et l’organisation du travail (Hély, 2008 ; Cottin-Marx & Paradis, 2020), ainsi que sur les mutations des services publics (Krinsky & Simonet, 2017). Cependant, le poids des associations sociales et médico-sociales, qui rassemblent à elles seules la moitié des emplois associatifs (Prouteau, 2019), tend à polariser les débats. Oscillant entre « mépris moralisateur (…) et idéalisation naïve » (Coler, Jobard & Laville, 2021), l’analyse des associations culturelles employeuses se focalise quant à elle sur l’écart entre un « habillage statutaire » (Henry, 2020) relevant de l’économie solidaire, et des pratiques inscrites dans une « économie des singularités » (Karpik, 2007). Malgré la structuration collective de leur représentation publique (Coler, 2014), les associations culturelles employeuses restent relativement invisibles, considérées comme des acteurs mineurs (Colin & Gautier, 2008) – au mieux subversifs – du champ culturel et assimilées tantôt à un sous-service public vivotant à l’ombre des institutions légitimes, tantôt à des rêveries utopiques entretenant « le mythe d’un monde hors du vrai monde où la coopération remplacerait la concurrence » (Laville, 2019). 

A partir des années 2000, la connaissance statistique de ces organisations se construit progressivement, tant du côté des acteur·rice·s que des chercheur·se·s. En 1998, la Fédurok (fédération des salles et clubs de rock) lance sa méthode d’observation participative et partagée (OPP), qui instaure la contribution de ses membres à l’élaboration, la collecte et l’analyse des données les concernant. Rejointe par d’autres fédérations du cirque, des arts de la rue ou de la danse et Opale, elle donne naissance en 2009 à la plateforme en ligne GIMIC, outil de production statistique, mais aussi de renforcement collectif et de négociation avec l’Etat (Guibert, 2011 ; Guibert & Eynaud, 2014). Simultanément, un état panoramique inédit des associations culturelles est livré en 2007 par le Centre d’économie de la Sorbonne, dans le cadre de la première édition de l’enquête Paysage associatif français (Tchernonog, 2007). Suivront cinq éditions actualisées de ce travail et une sixième en préparation. En 2008, Opale inaugure la première enquête nationale consacrée aux associations culturelles employeuses, qui recense alors près de 30 000 structures, représentant 92 000 emplois en équivalents temps plein et 5 milliards d’euros de budget (Bouron & Colin, 2008). En 2019, exploitant l’enquête Associations 2014 de l’INSEE, le Ministère de la Culture en propose une nouvelle estimation, identifiant alors plus de 40 000 organisations (Rathle, 2019). Enfin, une nouvelle enquête d’Opale, parue en 2020, vient mettre à jour et approfondir les précédents travaux (Martin & Offroy, 2020). 

Elle brosse le portrait d’un monde hétérogène, caractérisé par une effervescence et une dynamique créative sans précédent qui, à l’aube de la crise sanitaire de la Covid-19, dénombrait plus de 40 000 organisations, 300 000 travailleur·se·s, 130 000 emplois en équivalents temps plein et qui représentait 7 milliards d’euros cumulés de budget. Si le spectacle vivant demeure leur principal terreau, les associations culturelles employeuses forment un tissu dense couvrant tout le spectre des activités et des disciplines artistiques et culturelles, de la création de spectacles vivants à l’organisation de festivals, de l’animation d’une radio locale à la gestion d’un équipement, de la valorisation du patrimoine au développement des pratiques artistiques en amateur. Structures de proximité présentes sur l’ensemble du territoire national, elles sont en grande majorité pluriactives et polyvalentes et témoignent d’une forte préoccupation éducative. Elles fonctionnent avec des instances dirigeantes variées, parfois expérimentales, et grâce à un noyau dur constitué d’administrateur·trice·s bénévoles et de salarié·e·s, dont l’alliance permet d’assurer la permanence de l’activité. L’enquête dévoile une organisation du travail soumise à des effets de genre, fortement différenciée selon les domaines et fonctions culturels et confirme les caractéristiques désormais bien documentées de dispersion et de précarité de l’emploi dans le secteur culturel (Prouteau, 2019 ; Wolff & al., 2020). Elle atteste simultanément des processus d’institutionnalisation et de professionnalisation des associations, repérables à des indices tels que la progression de l’adhésion aux réseaux et organisations professionnels ou la généralisation de l’application de conventions collectives au cours de la dernière décennie. A l’échelle de l’ensemble des associations étudiées, l’enquête donne à voir un modèle économique composé pour moitié de recettes d’activité et pour un tiers de subventions publiques, lesquelles proviennent majoritairement des collectivités territoriales et notamment des communes. Elle rend compte d’une redistribution inégalitaire des subventions publiques, corrélée aux niveaux de budget, aux domaines et aux fonctions des associations, ainsi que de la montée en puissance des logiques gestionnaires et de financement au projet, qui pèsent sur le fonctionnement des organisations et infléchissent les échanges culturels vers davantage de marchandisation (Cottin-Marx, 2017 ; Tchernonog, 2019). L’étude rappelle ainsi qu’il n’existe pas un seul modèle, monolithique et normatif, de faire association, mais bien une pluralité de manières et de formes, modelées par l’histoire, les usages, l’environnement socio-économique et les politiques publiques qui encadrent les différents domaines et fonctions culturels. 

Dans le prolongement de ces travaux, la journée d’étude du 9 mars 2023 souhaite ouvrir un espace de réflexion et de circulation des savoirs qualitatifs sur les associations culturelles employeuses et sur la diversité des enjeux qui les traversent. Entendant mettre en résonance et en dialogue savoirs expérienciels et travaux de recherche, cette journée d’étude s’adresse autant aux acteur·trice·s associatif·ve·s qu’aux chercheur·se·s des différentes disciplines des sciences humaines, sociales et économiques. 

Quatre axes de questionnement transversaux sont proposés à titre indicatif :

1. Fait associatif, coopérations et formes d’organisation collective
2. Les associations culturelles et artistiques à l’épreuve du travail
3. Associations et pouvoirs publics, entre tensions et co-constructions
4. Acteur·rice·s d’un monde en transitions et en transformations 

Le choix des angles d’approche, des démarches et des terrains est laissé délibérément ouvert, afin de permettre l’émergence de problématiques variées, qui seront affectées à différents formats par le comité scientifique : ateliers, tables rondes, plénières… 

 

Pour proposer une communication

Envoyer aux adresses mail cecile@opale.asso.fr et priscilla@opale.asso.fr votre proposition contenant les éléments suivants :

>Vos nom et prénom, profession, organisation ou institution de rattachement, fonction

>Vos coordonnées : mail et numéro de téléphone

>Une courte biographie d’environ 50 mots

>Le ou les axes dans le(s)quel(s) s’inscrit votre proposition

>Un titre et un résumé de communication d’environ 300 mots 
 

Date limite de réception des propositions de communication : vendredi 3 février 2023.

Les auteur·trice·s de propositions seront informé·e·s au plus tard le vendredi 17 février 2023.

Les communications retenues pourront faire l’objet d’une publication en 2024.

 

Cette journée d’étude se déroulera le jeudi 9 mars 2023 de 9h30 à 17h30 à Paris (lieu à confirmer).